Appel à communications : JE Conversations with a Ghost/Conversations avec un fantôme

Publié le 3 octobre 2022 Mis à jour le 3 octobre 2022
du 3 octobre 2022 au 5 décembre 2022

Université Toulouse-Jean Jaurès, France

Journée d’études CAS, EA801
17 mars 2023


Université Toulouse-Jean Jaurès, France
Organisation : Carline Encarnacion, Aurélie Guillain

Appel à communications :
  • Les propositions (300 mots environ, pour une communication en français ou en anglais de 20 minutes), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, seront adressées à : conversationswithaghost@gmail.com
  • Date-limite d’envoi des propositions : 5 décembre 2022
  • Retour sur les propositions : 14 décembre 2022
  • Une sélection de communications pourra donner lieu à une publication

Cette journée d’étude propose de se pencher sur les conversations avec un fantôme dans les littératures et les arts du monde anglophone.

Le fantôme est par essence une figure de l’entre-deux : entre deux mondes, entre deux temps, entre deux états de la matière. En tant qu'il articule ces opposés, il les fait entrer en contact ; mais établit-il pour autant une communication ? Les ombres muettes, ou dont les gémissements demeurent inarticulés, abondent dans la littérature anglophone. Ainsi la pâle Madeline brièvement revue à la fin de The Fall of the House of Usher (1839), qui semble nous dire quelque chose de son lien avec les forces de l’imagination ou de l’inconscient : dans le mutisme du fantôme, on a pu lire l’emblème du silence de l’affect refoulé ou de la schize chez le sujet de la hantise, dont le rapport au monde ne serait plus informé et médiatisé par le langage, ou plus largement par les signes.

Pourtant, nombre de textes littéraires et de spectacles font parler leurs morts, comme l’a souligné le colloque Scènes de spectres / Ghost Scenes à l’Université Paul Valéry Montpellier 3 (IRCL) en 2021. Converser avec les spectres suppose de négocier un terrain d’entente, parler le même langage, trouver un plan sur lequel se retrouver. La rencontre peut alors (éventuellement) sortir du mode horrifique. Se pencher sur des scènes où s’instaure un commerce relativement pacifié avec les défunts invite aussi à considérer tout ce qui, dans les histoires de spectre, déborde le questionnement épistémologique au sens strict. Certes, lorsque la gouvernante jamesienne, dans The Turn of the Screw (1898), rapporte une conversation avec un fantôme, elle crée un soupçon sur la crédibilité de sa parole, tout en semant le doute sur la validité même d’une vision rationaliste du monde. Cela dit, les conversations fictionnelles avec les fantômes relèvent-elles nécessairement de la logique du fantastique selon Todorov, où les questions de preuve, de possibilité même de la connaissance sont au centre du suspense ? Le fantôme qui s’entretient avec les vivants peut aussi émaner d’un monde où il fait partie des possibles, où il est véritablement là, par exemple chez Maxine Hong Kingston (1976) ou Toni Morrison (1987), pour ne citer qu’elles.

Dans le réalisme magique, pour lequel l’existence du fantôme ne fait pas de doute, le spectre est si bien accepté qu’il ne perturbe pas les conceptions du monde de ceux qui l’habitent. Le personnage fantôme de Beloved dans le roman de Morrison est avide de parole et d’histoire : elle demande à être racontée, exige d’être nommée et participe activement à la création d’un discours. La voix spectrale est l’expérience indicible qui tente de parler malgré tout, en dépit de son refoulement systématique ; par le travail d’écriture, elle oblige à une conversation sur un plan à la fois intime, artistique et national. Les littératures dites « minoritaires » sont fréquemment hantées de ces éclats ou filets de voix, retours d’identités opprimées, de fautes refoulées par une nation et non inscrite dans son histoire officielle : ainsi le génocide des peuples autochtones d’Amérique ou la traite et l’esclavage des peuples d’Afrique. Morrison en fait un véritable programme de recherche pour qui veut se poser la question du canon littéraire aux États-Unis. Dans les littératures du Commonwealth, tout particulièrement celles de la diaspora, on peut s’interroger sur la signification de l’espace identitaire, mais aussi de l’espace littéraire, qui s’ouvre à travers les dialogues avec les âmes errantes.

Selon Donald A. Ringe (1982), la crédibilité des fantômes dans la littérature a pâti de la mode des séances de spiritisme telles que Henry James les a représentées dans The Bostonians (1886). Néanmoins, cette mode n’a-t-elle pas aussi contribué à façonner, au moins dans le monde occidental, un imaginaire du medium où, pour communiquer avec les morts, un dispositif scripturaire ou photographique est nécessaire ? Notre journée d’étude invite à réfléchir aux enjeux métafictionnels des conversations avec les fantômes, lorsque le texte ou le spectacle se présentent comme un medium qui fait revenir des personnages, des textes ou des auteurs. Ainsi, dans Early Morning d’Edward Bond (1977), le retour du fantôme d’Albert est l’occasion d’un dialogue houleux avec ses deux fils siamois, dans un jeu sur les redoublements qui signale la répétition mais aussi l’inversion grand-guignolesque de la Tragédie d’Hamlet. Notre journée d’étude invite donc aussi à réfléchir à l’intertextualité dans une perspective hantologique. Comme l’écrivait Derrida, « Il faut parler du fantôme, voire au fantôme et avec lui » (Derrida 15)

Sans que la liste soit exhaustive, nous encourageons les auteurs à proposer des communications sur les thèmes suivants :
  • Les traitements de la voix posthume dans la littérature et le cinéma
  • Les fonctions et les formes du dialogue dans les scènes de rencontre avec un fantôme ; le monologue et l’adresse ou l’absence d’adresse, les marques du dialogisme
  • Les enjeux poétiques des conversations avec les fantômes : quels sont les traits du discours hanté ?
  • Le fantôme comme altérité et/ou comme figure d’affiliation ; une voix qui parle dans une langue mineure ? L’histoire du fantôme comme histoire réduite au silence ? Significations éthiques et politiques et esthétique de la rencontre avec le spectre
  • Scènes de terreur, scènes de rencontre : hybridations génériques ; réécritures comiques des scènes de fantômes ; séjour aux enfers et conversation
  • Scènes de fantômes et intertextualité, le texte hanté par d’autres textes ; le texte comme réplique adressée à d’autres textes et à d’autres traditions. La littérature comme « hantologie » (Derrida)

Ouvrages cités
  • Bond, Edward. Early Morning [1977]. Plays, I. Londres : Eyre Methuen, 1977.
  • Derrida, Jacques. Spectres de Marx [1993]. Paris : Galilée, 1993.
  • James, Henry. « The Turn of the Screw » [1898]. The Turn of the Screw and Other Stories. Oxford : Oxford World Classics, 2008.
  • James, Henry. The Bostonians [1886]. Oxford : Oxford World Classics, 2009.
  • Kingston, Maxine Hong. The Woman Warrior: Memoirs of a Girlhood Among Ghosts [1976]. New York : Random House, 1989.
  • Morrison, Toni. Beloved [1987]. New York : Vintage, 2001.
  • Poe, Edgar Allan. “The Fall of the House of Usher” (1839). The Fall of the House of Usher and Other Writings. Londres : Penguin Classics, 2001.
  • Ringe, Donald A. American Gothic: Imagination and Reason in Nineteenth-Century Fiction. Lexington : Univ. Press of Kentucky, 1982.
  • Shakespeare, William. Hamlet, Prince of Denmark [c. 1601]. (Edited by Philip Edwards. Revised with a new introduction by Heather Hirschfeld). Cambridge : Cambridge University Press (The New Cambridge Shakespeare), 2019.